06/02/2015
RENE CHAR: CRIER SINON LE MONDE SE TAIT...
Tout est en route, à jamais».
Andrée Chedid
LE TERME EPARS
«Si tu cries, le monde se tait: il s'éloigne avec ton propre monde.
Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie.
Telle est la voie sacrée.
Qui convertit l'aiguillon en fleur arrondit l'éclair.
La foudre n'a qu'une maison, elle a plusieurs sentiers.
Maison qui s'exhausse, sentiers sans miettes.
Petite pluie réjouit le feuillage et passe sans se nommer.
Nous pourrions être des chiens commandés par des serpents,
ou taire ce que nous sommes.
Le soir se libère du marteau, l'homme reste enchaîné à son cœur.
L'oiseau sous terre chante le deuil sur la terre.
Vous seules, folles feuilles, remplissez votre vie.
Un brin d'allumette suffit à enflammer la plage où vient mourir un livre.
L'arbre de plein vent est solitaire. L'étreinte du vent l'est plus encore.
Comme l'incurieuse vérité serait exsangue s'il n'y avait pas
ce brisant de rougeur au loin où ne sont point gravés le doute
et le dit du présent.
Nous avançons, abandonnant toute parole en nous le promettant».
* In Le terme épars, Le Nu perdu et autres poèmes (1964-1975), Gallimard.
21:27 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Monde, Résistance, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) |
24/01/2015
LES MOTS CONTRE LES «MAUX», PUIS LE SILENCE...
A Davos, le temps de quelques jours, les grands de ce monde ont débattu de sujets aussi urgents et variés que les dérèglements climatiques, la pauvreté des uns, si nombreux, et les problèmes financiers des autres, la situation du Moyen-Orient et la paix du monde. Les attentats de Paris sont dans tous les esprits. Il a aussi été question de religions, de l'Irak et de la Syrie, d’Israël et de l'Arabie Saoudite, de l'Iran, de l’Afrique et d’Ebola…
Il en est pour prétendre que, face aux innombrables défis de la planète, la Forum international de Davos «ne sert à rien»… Sans avoir la prétention de pouvoir résoudre tous les problèmes de la planète, le Forum de Davos offre précieuses occasions de dialogues et de rapprochements. En cette période de montée des fanatismes et de l’intolérance, le rendez-vous de Davos n'est n’est pas à rejeter avec mépris.
Pendant ce temps, à Paris, l’heure est encore au chagrin pour les proches des victimes.
Un peu partout dans le monde, elle est à l’inquiétude pour tous ceux qui aspirent – et nous en sommes – à un monde de paix et de justice où une démocratie réelle serait offerte à tous les êtres (en plus du pain, du travail et du toit)...
Les mots auront-ils un jour le pouvoir de vaincre les maux ?
Faisons silence avec ce poème d'Amina Saïd:
«Le silence est un message de l’ombre
qui ne franchit aucun seuil et se nourrit
de la lumière et de son absence
le silence est un signe quand la parole
fait erreur ou reste inachevée
le silence est un jardin du ciel
qui adresse au ciel une prière muette
en forme de paysage
le silence est une question
posée à la question
le silence est la maison où habite le poème
où il prend corps
tout en se condamnant au silence
le silence est une musique dont les notes
sont les planètes et leurs étoiles
le silence est une saison où mûrit le fruit
d’un poème sans mots
le silence est une vibration de l’immobile
un chant à naître dans la gorge
d’oiseaux en forme de voyelles
le silence est une errance
qui indique discrètement le chemin
au milieu du chemin
le silence est la main qui ouvre le poème
la voix tremblée de l’âme d’où surgit
ce que nous sommes et ne sommes pas
le silence est le rêve de l’être qui rêve
sa naissance d’avant sa naissance
et tait son premier cri
le silence est le miroir qui lave la parole
dans l’eau la plus nue de la parole
le silence est un miracle inachevé
où le monde prend forme d’un seul coup».
* Amina Saïd est née à Tunis. Après avoir enseigné à Tunis, elle s’installe à Paris.
16:01 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Monde | Lien permanent | Commentaires (0) |