05/09/2014
POEMES CHOISIS (40): JERÔME MEIZOZ
L'auteur et Professeur de littérature
Jérôme Meizoz est aussi un citoyen.
Il avait aimé Les maquereaux des cimes blanches
de son compatriote Maurice Chappaz.
Quelques décennies plus tard, face à l'intolérance,
à l'étroitesse d'esprit, au racisme
et à toutes les formes d'injustices,
il prend la plume et dénonce.*
Les «saintes colères»** qu'il nous propose sont saines.
Voici sa Supplique du vieux gamin.
Jérôme Meizoz: Lucide comme «un vieux gamin»...
Photo: Yvonne Böhler
«La face du pays, hélas,
change plus vite que le coeur alenti
du gosse resté seul
dans la cour de l'école,
sous le frisson des marronniers!
Sainte Implenia, priaient les promoteurs,
bénis cette fleur surnaturelle!
Amen
Saint Lobby du ciment, criaient les bâtisseurs,
que ton règne de béton vienne!
Amen
La place du parvis, hélas,
semble une place d'appel
pour les soldats de guerres à venir
Saint Lobby du ciment, criaient les bâtisseurs,
que ton règne de béton vienne!
Amen
Noire comme la mélancolie,
vide comme le cœur d'un cité minière
Sèche comme les veines
d'un centenaire
Sainte Implenia, priaient les promoteurs,
bénis cette fleur surnaturelle!
Amen
Quelle place, mes amis: quel placement!
Quel plus beau monument
quel cimetière de rêve
pour une religion qui meurt
Sainte Implenia, priaient les promoteurs,
bénis cette fleur surnaturelle!
Amen
Saint Lobby du ciment, criaient les bâtisseurs,
que ton règne de béton vienne!
Amen».
** Editions d'autre part, 148 pages, Préface d'Annie Ernaux.
18:14 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Monde, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0) |
27/08/2014
POEMES CHOISIS (39) ALAIN BOSQUET
Tout est en route, à jamais».
Andrée Chedid
Défense du poète
«Ecrire son poème, est-ce une trahison,
comme devant la mise à mort d'un innocent
on détourne les yeux ? Aligner quelques mots
qui lâchent le réel pour un gramme d'azur
est-ce dresser un paravent contre le monde
affolé dans son bain, parmi l'écume noire ?
Traiter sa fable favorite en libellule
par-dessus la rivière, est-ce oublier le pain
qui manque à l'homme ? Remplacer le vrai printemps
par un printemps verbal aux toucans invisibles
qui sont peut-être un peu de feu, est-ce insulter
notre nature ? Aimer une voyelle blanche
comme on aime sa fille, est-ce être dédaigneux
de notre amour universel, qui nous saccage ?»
Sonnet pour une fin de siècle, Editions Gallimard
17:17 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Monde | Lien permanent | Commentaires (0) |