17/03/2016
SEMAINE DE LA POESIE: LE MESSAGE DE RILKE
POUR ECRIRE UN SEUL VERS
Comme l'air que nous respirons,
la Poésie nous sera toujours vitale.
En cette Semaine dite «de la Poésie»
voici un texte de Rainer Maria Rilke
qui nous ramène très simplement
à l'essence de la Poésie.
«Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes,
d’hommes et de choses,
il faut connaître les animaux,
il faut sentir comment volent les oiseaux
et savoir quel mouvement font les petites fleurs
en s’ouvrant le matin.
Il faut pouvoir repenser à des chemins
dans des régions inconnues,
à des rencontres inattendues,
à des départs que l’on voyait longtemps approcher,
à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci,
à ses parents qu’il fallait qu’on froissât
lorsqu’ils vous apportaient une joie
et qu’on ne la comprenait pas
(c’était une joie faite pour un autre),
à des maladies d’enfance
qui commençaient si singulièrement,
par tant de profondes et graves transformations,
à des jours passés
dans des chambres calmes et contenues,
à des matins au bord de la mer,
à la mer elle-même, à des mers,
à des nuits de voyage
qui frémissaient très haut
et volaient avec toutes les étoiles,
– et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela.
Il faut avoir des souvenirs
de beaucoup de nuits d’amour,
dont aucune ne ressemblait à l’autre,
de cris de femmes hurlant en mal d’enfant,
et de légères, de blanches,
de dormantes accouchées qui se refermaient.
Il faut encore avoir été auprès de mourants,
être resté assis auprès de morts,
dans la chambre, avec la fenêtre ouverte
et les bruits qui venaient par à-coups.
Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs.
Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux,
et il faut avoir la grande patience qu’ils reviennent.
Car les souvenirs eux-mêmes ne sont pas encore cela.
Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous
sang, regard, geste,
lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous,
ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare,
du milieu d’eux,
se lève le premier mot d’un vers».
* Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, Editions du Seuil.
16:43 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Solidarité, Spiritualités | Lien permanent | Commentaires (0) |
31/01/2016
POEMES CHOISIS (50) YVES BONNEFOY
Comme l'air que nous respirons, la Poésie nous sera toujours vitale.
Au fil des jours et des saisons,
voici des textes qui nous semblent répondre
aux interrogations du vingt-et-unième siècle
et à notre humaine condition.
«Rien, en poésie, ne s'achève.
Tout est en route, à jamais».
Andrée Chedid
O POESIE!
«Je prends le risque de m'adresser à toi, directement...»
« Je ne puis m’empêcher de te nommer
Par ton nom que l’on n’aime plus parmi ceux qui errent
Aujourd’hui dans les ruines de la parole.
Je prends le risque de m’adresser à toi, directement,
Comme dans l’éloquence des époques
Où l’on plaçait, la veille des jours de fête,
Au plus haut des colonnes des grandes salles,
Des guirlandes de feuilles et de fruits.
Je le fais, confiant que la mémoire,
Enseignant ses mots simples à ceux qui cherchent
A faire être le sens malgré l’énigme,
Leur fera déchiffrer, sur ses grandes pages,
Ton nom un et multiple, où brûleront
En silence, un feu clair,
Les sarments de leurs doutes et leurs peurs (…) »
In Les planchEs courbes, Editions Gallimard/Poésie.
17:20 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres | Lien permanent | Commentaires (0) |