17/04/2019
PHRASES LUES (13) SYLVAIN TESSON
D'un livre à l'autre,
des phrases m'agrippent,
me hantent, me poursuivent.
Comme ces lignes de Sylvain Tesson
extraites de «Les chemins noirs».*
Bien que gravement meurtri dans son corps,
après une chute vertigineuse et alcoolisée,
Tesson traverse la France à pied
du Mercantour au Cotentin en guise de rééducation.
Il a fait ses adieux à l'alcool.
Ses mots n'en sont que plus sublimes.
De mes vagabondages avec Sylvain Tesson marcheur convalescent j'ai retenu quelques perles salutaires. Esprit critique, humour, poésie, sagesse et mélancolie y cohabitent en permanence. Ici et là, qu’il dorme dans une bergerie ou sur la terre humide de la forêt, il croise parfois le visage de sa mère «envolée» quelques mois avant sa chute. En côtoyant les habitants d'une France rurale souvent abandonnée, il réfléchit au sort du monde.
Miraculé, l’aventurier-philosophe s'était promis de parcourir les chemins de la France profonde, le nez dans les étoiles. Pari réussi!
«Moi, je trouvais désinvolte d'avoir couru
le monde en négligeant le trésor des proximités».
«Les historiens avaient inventé des expressions pour classer les époques de l’humanité: l’âge de la pierre, l’âge du fer, l’âge du bronze s’étaient succédé, puis les âges antiques et féodaux.
Ces temps-là étaient des temps immobiles.
Notre époque consacrait soudain un «âge du flux». Les avions croisaient, les cargos voguaient, les particules de plastique flottaient dans l’océan. La moindre brosse à dents faisait le tour du monde, les petits Normands partaient au djihad pour poster des vidéos sur YouTube. Les hommes dansaient sur l’échiquier. Ce tournis avait même été érigé en dogme. Une culture se devait à la circulation et aux contacts si elle voulait une chance de se voir célébrée. L’ode à la «diversité», à l’«échange», à la «communication des univers» était le nouveau catéchisme des professionnels de la production culturelle en Europe.
La crise de Parkinson de l’Histoire portait le nom de mondialisation…»
* La plupart des livres de Sylvain Tesson ont été publiés chez Gallimard.
11:47 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Développement durable, France, Lettres, Médias, Monde, Nature, Politique, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) |
13/03/2019
DECOUVERTE POETIQUE: ARTHUR BILLEREY
Pour sa flamme et son allant, on pense
à Maïakovski et à Rimbaud, bien sûr.
Mais non, c'est Arthur Billerey.
Qui est cet Arthur B. dont la poésie est à la fois penchée sur lui et tournée vers les autres ?
Il y a de la fraîcheur et de la profondeur, du rythme et de la musicalité, dans ses textes. On ne s’étonnera pas de savoir qu’Arthur Billerey aime Prévert autant qu’Aragon.
Car ce poète généreux aime jouer avec les mots et observer le monde et la vie comme ils vont ou pas. Assurément, il ne passe pas son temps à méditer sur son ego. Bien heureuse de l'avoir rencontré.
Mais lisez plutôt!
«En y réfléchissant un peu
je me suis dit tête en l'air
les airs sont dans la nature
en soufflant dessus ils vont
d'une capitale à une campagne
franchissant champs et routes
en respirant certains c'est fou
la montée de la sève en nous
ne s'arrête jamais de monter».
Arthur Billerey, poète et responsable éditorial à L'Aire,
les yeux brûlant de Poésie.
«Je suis ce que je rencontre
au fil des jours mais aussi
ce que je rencontre éteint
en dormant j’ai un nom d’emprunt
que le matin récupère
souvent à couteaux tirés
quand je n’ai plus d’identité
j’en cherche une étrangement…
chaque jour a sa bousculade
de rencontres sa montre oubliée
au poignet de l’éternité qui va
rien que de roulade en roulade
je suis ce que je prends à l’un
et à l’autre ce que je rends
ce qu’il reste à mi-chemin
est un immense feu de camp
solitude cousue de fils blancs
qui entièrement se défileront
aux quatre coins du firmament
brille la sueur de nos fronts
Je suis ce que j’ai du mal
à comprendre la raison
de la guerre et la paix
de raison l’âme enfouie…»
* A l’aube des mouches, Editions de L’Aire, collection Métaphores, préface Corinne Desarzens, 104 p.
18:08 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, France, Humour, Lettres, Monde, Musique, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0) |