10/12/2019
ALAIN FAVARGER A L'AIRE: LA VOLUPTE DES YEUX
En 2018, Michel Moret, dont Le banquet de Platon est depuis longtemps un livre de référence,
sinon de chevet, fonde la collection Le banquet.
Une jaquette élégante et sobre pour un petit livre
(11X18 cm) à glisser dans sa poche ou,
comme un viatique, sous son oreiller.
Un graphisme de classe sur un papier précieux.
Après les ouvrages de Bastien Fournier, Salah Stétié, Nagaoka Taeko, Marie-Claire Dewarrat, Pierre-Alain Gendre et Roland Jaccard, voici que L’Aire vient d’ajouter à sa collection un joyau qui a retenu mon attention (yeux et cœur): La Volupté des yeux, d’Alain Favarger.
Nous zigzaguons ici dans le monde des humains et de l’art…Et je pense à Claude Roy qui disait: «Je suis un touche-à-tout car tout se touche, dans la vie».
Alain Favarger: l'amour du Beau et de la Bonté
Des chemins intimes et universels
Et si nous partions sur les chemins intimes et universels d’Alain Favarger ? Nous sommes en Sicile où Favarger revoit sa mère qui fut la nurse de Rosella, à Palerme entre 1938-1939, dans une famille noble. Dans une des lettres de sa mère, il lit: «Maintenant, le sentiment du beau s’est encore plus profondément ancré en moi».
Peut-être ce sentiment de beauté l’a-t-elle transmis à son fils comme le désir de justice car elle a écrit aussi: «Est-ce possible qu’en vivant au cœur d’un paysage aussi paisible et enchanteur il y ait des gens …qui violent les joies de la justice, se tachent les mains pour conquérir d’autres territoires ?»…
Plus tard, son érudit et humaniste de fils écrira: «A Palerme comme à Tolède, Bourges, Beaune, Vézelay ou Gand se joue toujours le grand théâtre muet de la dialectique du bien et du mal..»
Le bien nommé La Volupté des yeux se présente comme un kaléidoscope traversé par les paysages, les livres – La vie, mode d’emploi de Perec –, Proust, Duras et Hiroshima mon amour, les musiques, les tableaux, les films, les artistes – Jean Seberg, Delphine Seyrig, Emmanuelle Riva – et les spectacles aimés, sous le double signe de la beauté et de la bonté.
Nous flânons dans Paris et contemplons au Lac majeur «le miroir indigo de ses eaux tachetées d’absinthe». Nous méditons avec Favarger sur la tombe de Thomas Mann à Kilchberg et de quatre de ses enfants (Michael, Monica, Elisabeth et Erika, Klaus et Gobo, reposant sous d’autres cieux).
Un livre-gigogne
Du Vercors à la Syrie, des Etats-Unis à l’Europe, l'auteur fribourgeois discerne les convergences têtues entre jadis et aujourd’hui. Entachées de tant de violence, celles-ci pourraient inciter au désespoir car il semble qu’aucune leçon n’ait été retenue du passé. Mais voici que le petit fils de l’auteur, Damien, nous sourit au fil des pages. Et la contemplation de l’épouse, omniprésente dans ce livre qui lui est dédié, réjouit notre âme.
La Volupté des yeux nous révèle enfin Confiteor, «ce chef d’œuvre absolu» de Jaume Cabré dont Alain Favarger nous dit: « La question de savoir comment combattre le mal hante ce livre…» Mais Cabré sait aussi «qu’avec la beauté et l’amour, la vie peut changer»…Et comment ? «Parce que la beauté rend meilleur et que l’effet qu’elle produit sur un être ouvre le champ des possibles» selon Jaume Cabré. En terminant ce livre, à relire, j'en viens à croire que la mère d’Alain Favarger est toujours là avec son «sentiment de beauté» plus que jamais nécessaire pour sauver le monde.
Michel Moret et Le Banquet
Michel Moret, plus de quarante ans d'édition et une foi intacte.
«Que le risque soit ta clarté» lui souffle René Char.
Le Banquet de Platon est un des livres de référence de Michel Moret. Il figure au catalogue des Editions de L’Aire (collection Le chant du monde) depuis longtemps dans une traduction de Philippe Jaccottet et maintenant préfacée par Michel Onfray.
Toujours dans la collection Le banquet, l’année prochaine nous offrira deux livres que nous attendons d'ores et déjà avec impatience: Le Lecteur d’Adrien Pasquali et Lettre ouverte aux non-lecteurs de Michel Moret lui-même. Ainsi l'éditeur-écrivain signera-il un dixième livre que nous imaginons porteur de sagesse et de confiance. D’autres surprises jalonneront l’année 2020 de L’Aire.
www.editions-aire.ch
* La Volupté des yeux, collection Le banquet, Ed. De L’Aire, 266 p.
18:37 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Nature, Solidarité, Suisse, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) |
23/11/2019
POEMES CHOISIS (66) SHEMSI MAKOLLI
Comme l'air que nous respirons,
la Poésie nous sera
toujours vitale.
Le nouveau livre de Shemsi Makolli,
poète albanais devenu francophone,
nous est parvenu comme une bouffée d'air frais.
De la poésie à l'état pur.
«Rien, en poésie, ne s'achève.
Tout est en route, à jamais».
Andrée Chedid
RESTER ENFANT*
«Les poèmes de Shemsi Makolli nous aident à respirer
et nous chopent le cœur» (Bertil Galland).
«Je voudrais parcourir l'espace
Et rester un petit garçon
Cinq ou six ans pas plus
Après la soupe
Il court dans sa chambre
Préparer en cachette de grands projets
Traverser le monde
Et pourquoi pas l'espace...
Je suis un enfant de la Terre
Qui veut tout connaître
Mais ne veut pas trop tôt
Ni peut-être du tout
Grandir.»
La postface de cet ouvrage est signée Bertil Galland qui connaît depuis longtemps ce poète et qui l'admire pour de multiples raisons et à juste titre.
«Son auteur a nourri ses strophes d'observations à l'orée de ses bois d'enfance, de souvenirs de rivières et de ciels... Rien d'abstrait dans ces émois, mais l'art inné de trouver les mots pour faire monter une musique, une fable, un lied, une suite. Hier en albanais. Aujourd'hui en français, et un français festif, celui des poètes que nous admirons parce qu'ils nous aident à respirer et nous chopent le cœur», écrit-il à propos d'Elégie d'automne.
* In Elégie d'automne, Editions de l'Aire, postface de Bertil Galland, 77 p., 2019.
14:46 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Monde, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0) |