25/11/2016
PHRASES LUES: DE MICHON A GAUDE ET RILKE
Par-delà les siècles et les continents,
il arrive que des questions surgissent
au détour d’une page.
Et que des réponses nous éclairent
dans un autre livre.
Ce fut par bonheur le cas pour moi
ces derniers jours
grâce à Pierre Michon, Laurent Gaudé
et Rainer Maria Rilke.
«Qu’est-ce qui relance sans fin la littérature ?
Qu’est-ce qui fait écrire les hommes ?
Les autres hommes, leur mère, les étoiles,
ou les vieilles choses énormes, Dieu, la langue ?
Les puissances le savent.
Les puissances de l’air sont ce peu de vent
à travers les feuillages…»
«Tout ce qui se dépose en nous, année après année,
sans que l’on s’en aperçoive:
des visages qu’on pensait oubliés,
des sensations, des idées que l’on était sûr d’avoir fixées durablement, puis qui disparaissent, reviennent, disparaissent à nouveau,
signe qu’au-delà de la conscience
quelque chose vit en nous
qui nous échappe mais nous transforme,
tout ce qui bouge là, avance obscurément,
année après année, souverainement,
jusqu’à remonter un jour
et nous saisir d’effroi presque,
parce qu’il devient évident
que le temps a passé et qu’on ne sait pas
s’il sera possible de vivre avec tous ces mots,
toutes ces scènes vécues, éprouvées,
qui finissent par vous charger
comme on le dirait d’un navire.
Peut-être est-ce cela que l’on nomme sagesse…»
«Que ce soit le chant d’une lampe
ou bien la voix de la tempête,
que ce soit le souffle du soir
ou le gémissement de la mer, qui t’environne –
toujours vieille derrière toi
une ample mélodie, tissée de mille voix,
dans laquelle ton solo n’a sa place que de temps à autre.
Savoir à quel moment c’est à toi d’attaquer,
voilà le secret de ta solitude:
tout comme l’art du vrai commerce c’est:
de la hauteur des mots se laisser choir
dans la mélodie une et commune».
14:53 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Spiritualités, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) |
13/11/2016
POESIE: IL Y A PLUS QUE JAMAIS URGENCE A VIVRE
«Rien, en poésie, ne s'achève,
tout est en route, à jamais»
a écrit Andrée Chedid.
Comme l'air que nous respirons, la Poésie nous sera ainsi toujours vitale.
Au fil des jours et des saisons,
je vous proposerai des textes qui me semblent répondre
aux interrogations de notre siècle
et à notre humaine condition.
Entre François Cheng et Pierre-Alain Tâche, avec Sylvie Aubry,
voici un recueil qui devrait vous toucher par son impératif:
«Il y a plus que jamais urgence
à vivre haut et fort».
ACQUISE AUX PROMESSES
Acquise aux promesses de mûres et de fraises des bois
l'enfant trotte par les forêts
les tourbières
sursaute aux craquements sourds du bois mort
balbutie
se redresse
Ce qui ment a blessé son regard
Il y a des outrages dans son souffle
des replis
des fatigues
Cela cogne
cela embrouille
mais son langage aux accents de mistral
cherche une piste
les bras tendus vers la jument
elle offre
téméraire
sa nuque aux sueurs printanières
Dans sa voix
assez d'amour pour convoquer l'ouvert
Elle déchiffre les signes
Comme une étoile forcée de s'inventer un ciel autre
la fillette se prête au bal des mots énigmatiques
licol
bride
étrille
Rassurée par les mains qui avant elle ont donné
bredouillé
appris
elle déchiffre les signes
enjambe les futurs
C'est qu'il y a plus que jamais urgence
à vivre haut et fort».
* In A LA CROISEE DES BRIDES, Editions de L'Aire, préface de Pierre-Alain Tâche,
dessin de couverture Sylvie Aubry, 50 pages.
En vente dans toutes les bonnes librairies et chez l'éditeur: éditions-aire.ch
14:38 Écrit par Gilberte Favre | Lien permanent | Commentaires (0) |