10/12/2017
UNE CHANSON POUR CLAUDE ROY
Vingt ans que je n’ai pas entendu la voix de Claude Roy.*
Le téléphone sonne dans le vide à la rue Dauphine.
«D’entretiens en amitié», nous nous étions liés
au nom des livres, de la poésie, des voyages
et d’une certaine idée de l’humanité.
«On écrit pour être aimé et pour aimer»
affirmait celui qui fut l'ami d'Eluard et d'Aragon,
d'Octavio Paz et de Nazim Hikmet.
Et aussi: «La chaîne de l’amitié fait la ronde autour du monde».
Sans doute parce qu’il me manque,
une chansonnette est née ce dix décembre 2017.
En somme quelques nouvelles dans l’Au-delà
pour le Poète qui dialoguait avec les oiseaux.
Et qui aimait la Suisse où ses livres avaient été publiés**
au temps de la France obscure.
Le poète en compagnie de Luna.
Copyright: Gallimard.
Cher Claude Roy je vous rassure
si j’ai perdu mon innocence
j’ai gardé l’esprit d’aventure.
Les fanatiques n’auront pas ma peau.
Je n’irai pas à Zanzibar
ni à Bobo Dioulasso
pas plus qu’à Macao
ou à Sarajevo.
Mais j’irais bien à Saint-Malo
à Séville et à Bilbao
et d’abord à Peredelkino
vous savez pourquoi et pour qui.
J’irai à Sienne et Hossegor
à Olomouc et Boukhara
pourquoi pas à Oulan-Bator
à Pampelune et Ascona.
Je n’irai plus à Palmyre
ni à Damas et Maaloula
pas plus qu’à Homs et Diyarbakir
et encore moins à Ankara.
Les petits et grands rescapés
du Proche-Orient martyrisé
ont trop longtemps hanté mes nuits.
Voilà c’est dit et c’est écrit.
Cher Claude Roy le savez-vous
oui j’irais bien à Cordoue
à Reykjavik et Samarcande
à Séville et à Padoue.
Mais je ne retournerai pas en Iran
où Chiraz et Isfahan
Naqs-e-Rostam Persépolis
m’avaient comblée j’avais vingt ans.
Je ne suivrai pas non plus Rimbaud
sur les routes d’Abyssinie
J’irai plutôt à l’île Maurice
pour les dodos de Le Clézio.
Cher Claude Roy depuis que vous êtes parti
le monde n’est pas devenu meilleur
ni plus équitable et d’ailleurs
Sais-tu si la mer est encore loin ?
La Méditerranée aimée
est devenue le tombeau
de ces désespérés en quête de pain
et de paix serait-ce trop demander?
Autant dire que votre Permis de séjour
a de beaux jours devant lui.
Et que L’Etonnement du voyageur
sera toujours d’actualité.
Quant à Désiré Bienvenu
sachez qu’il fait le bonheur
de mes petits voisins-amis.
Et Le chat qui parlait malgré lui aussi.
Cher Claude Roy, sur Le Rivage des jours
votre Ami lointain m’apparaît toujours
comme si c’était le mien.
Mais il n’est pas si loin…
* Poète, critique d’art, grand reporter, romancier et auteur de livres pour enfants, Claude Roy est décédé le 13 décembre 1997.
La plupart de ses livres (romans, poèmes, récits de voyages, mémoires autobiographiques, critiques d’art, livres pour enfants, essais) ont été édités chez Gallimard (www.gallimard.fr) et sont aujourd'hui disponibles en collection de poche.
J'ai indiqué en italiques les titres de plusieurs des ouvrages de Claude Roy.
** Notamment à la Guilde du Livre, chez Skira, Cailler, à Clairefontaine, aux Editions Gonin.
17:23 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Médias, Monde, Nature, Résistance, Société - People, Suisse, Vaud, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) |
25/09/2017
D'ANDREE CHEDID A JACQUES DARBELLAY
«Rien, en poésie, ne s'achève.
Tout est en route, à jamais».
Andrée Chedid
Jacques Darbellay* était un homme aussi profond que discret,
humble et généreux.
Il s'en est allé tout récemment
après un voyage de plusieurs années au Pays d'Alzheimer.
Je lui dédie ce poème d'Andrée Chedid
qui l'avait précédé voici quelques années
sur ces mêmes chemins.
POUR L'AUTRE, MON AMI
«Ce mot pour toi l'Autre
Ce mot pour te dire Ami
A la veille de nos nuits
Dans ce voyage si lent
Le trop long parcours de ma vie
ralentie
Ce temps si court au-dedans de nos jours
Ce temps si froid au-delà des automnes.
Ce mot sera pour toi, l'Autre,
mon Ami».
La pureté d'un regard.
Jacques Darbellay: auteur, pédagogue, alpiniste et ami fidèle.
Photo: Georges Laurent
Jacques Darbellay*
Jacques Darbellay avait fondé en Valais une école réputée, Maya-Joie, où la rigueur de l’enseignement et l'humanisme se conjuguaient au respect de la nature et à la pratique du sport. L'écriture était sa passion. On lui doit des poèmes et des monographies, des récits (parmi lesquels L'enfant de la Rosière) et des biographies. Son excellent Maurice Chappaz à la trace, paru en 1986 aux Editions Zoé, demeure une référence.
Jacques Darbellay arpenta souvent la montagne valaisanne en compagnie du poète Maurice Chappaz et de Georges Laurent. Il signa avec son ami photographe animalier trois ouvrages: Sur le vif (Editions Maya-Joie), Saisons à vivre (Musumeci) et Maurice Chappaz, le marcheur au fil des mots (Porte-plumes, 2006) qui fut son dernier ouvrage.
09:26 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Femmes, Lettres, Nature, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0) |