24/01/2015
LES MOTS CONTRE LES «MAUX», PUIS LE SILENCE...
A Davos, le temps de quelques jours, les grands de ce monde ont débattu de sujets aussi urgents et variés que les dérèglements climatiques, la pauvreté des uns, si nombreux, et les problèmes financiers des autres, la situation du Moyen-Orient et la paix du monde. Les attentats de Paris sont dans tous les esprits. Il a aussi été question de religions, de l'Irak et de la Syrie, d’Israël et de l'Arabie Saoudite, de l'Iran, de l’Afrique et d’Ebola…
Il en est pour prétendre que, face aux innombrables défis de la planète, la Forum international de Davos «ne sert à rien»… Sans avoir la prétention de pouvoir résoudre tous les problèmes de la planète, le Forum de Davos offre précieuses occasions de dialogues et de rapprochements. En cette période de montée des fanatismes et de l’intolérance, le rendez-vous de Davos n'est n’est pas à rejeter avec mépris.
Pendant ce temps, à Paris, l’heure est encore au chagrin pour les proches des victimes.
Un peu partout dans le monde, elle est à l’inquiétude pour tous ceux qui aspirent – et nous en sommes – à un monde de paix et de justice où une démocratie réelle serait offerte à tous les êtres (en plus du pain, du travail et du toit)...
Les mots auront-ils un jour le pouvoir de vaincre les maux ?
Faisons silence avec ce poème d'Amina Saïd:
«Le silence est un message de l’ombre
qui ne franchit aucun seuil et se nourrit
de la lumière et de son absence
le silence est un signe quand la parole
fait erreur ou reste inachevée
le silence est un jardin du ciel
qui adresse au ciel une prière muette
en forme de paysage
le silence est une question
posée à la question
le silence est la maison où habite le poème
où il prend corps
tout en se condamnant au silence
le silence est une musique dont les notes
sont les planètes et leurs étoiles
le silence est une saison où mûrit le fruit
d’un poème sans mots
le silence est une vibration de l’immobile
un chant à naître dans la gorge
d’oiseaux en forme de voyelles
le silence est une errance
qui indique discrètement le chemin
au milieu du chemin
le silence est la main qui ouvre le poème
la voix tremblée de l’âme d’où surgit
ce que nous sommes et ne sommes pas
le silence est le rêve de l’être qui rêve
sa naissance d’avant sa naissance
et tait son premier cri
le silence est le miroir qui lave la parole
dans l’eau la plus nue de la parole
le silence est un miracle inachevé
où le monde prend forme d’un seul coup».
* Amina Saïd est née à Tunis. Après avoir enseigné à Tunis, elle s’installe à Paris.
16:01 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Monde | Lien permanent | Commentaires (0) |
18/01/2015
COMMENT PREVENIR LA BARBARIE ?
Parce que l’horreur perpétrée à Paris les 7 et 8 janvier
m’a littéralement tétanisée, je me suis réfugiée dans le silence
pour tenter de mieux comprendre...
Mais est-il possible de saisir l'origine de la barbarie ?
Et d'identifier les financiers des tueurs ?
Sur la place de l'Europe, à Lausanne, le 15 janvier, lors de la manifestation organisée par Impressum, l'organisation des journalistes suisses et leurs collègues.
Photo: gf
«Elle s’appelait Elsa.
Eux s’appelaient Jean («Cabu»)
Stéphane (Charb»)
Philippe («Honoré»)
Bernard (Tignous»)
Michel, Georges («Wolinski»),
et Bernard («Oncle Bernard»).
Et parce qu’ils dessinaient leurs colères
avec leur humour
ils furent exécutés.
Elle s’appelait Clarissa,
Eux s’appelaient Ahmed, Franck, Frédéric.
Et parce qu’ils accomplissaient leur métier,
ils furent exécutés.
Ils s’appelaient Yohan, Yohav, Philippe et François-Michel
Et parce qu’ils étaient Juifs
ils furent exécutés
à Paris les 7 et 8 janvier 2015
Inconsolables resteront
les orphelins, les veuves, les veufs,
les parents des femmes et des hommes tués
à bout portant.
Comment ne pas être avec eux
leurs enfants leurs parents
compagnes et compagnons ?
Je suis avec eux.
Il n'existe pas pour moi
de hiérarchie de la douleur.
Le sang des uns et des autres
(Juifs, chrétiens, Africains, Palestiniens)
a toujours la même couleur.
A l’instant où la foule immense marchait
dans les rues de Paris*
seize villages étaient détruits au Nigeria
et deux mille personnes tuées
par Boko Haram.
Jusqu'à présent
personne n’a arrêté les meurtriers.
Personne n'a rendu à leurs parents
les fillettes enlevées par Boko Haram.
En Syrie et au Liban
des enfants sont morts de froid
D’autres enfants
furent tués en Syrie
par l’armée de Bachar et par Daech.
Des fillettes yézidies sont violées
sans que personne ne s'en offusque
en Irak et au Nigéria.
Une semaine après les attentats de Paris
le monde n'est pas devenu meilleur
d’autres innocents
ont été tués.
En vérité il en meurt chaque jour
Ce cortège funèbre paraît sans fin.
Qui rendra au Monde
sa raison son humanité ?»
* Entre autres présences incongrues, celle du Premier Ministre turc, en tête de cortège, représentant d'un régime dont on connaît le respect pour le droit d'expression et les droits humains en général...
18:00 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Femmes, Lettres, Médias, Monde | Lien permanent | Commentaires (0) |