18/11/2012
CHOSES VUES AU LIBAN (3) RENCONTRES IMPROMPTUES
Je reviens de trois semaines au Liban qui furent éclairées
par des visages et paysages inoubliés, malheureusement alourdies par la guerre en Syrie et un bombardement.
Loin des analyses politiques, en voici quelques reflets :
Le jeune garçon d'Idlib...
J'étais sur le point de monter vers Moukhtara et Barouk. Puis il y eut ces deux rencontres dans les rues d'Achrafieh. Il serait dit qu'avant d'apprécier au centuple la beauté éternelle du Chouf, je m'attarderais sur deux regards qui n'ont pas fini de me hanter.
Pour Ali et pour tous les petits cireurs de chaussures de Beyrouth
Avait-il neuf ou dix ans
il avançait lentement
fatigué déjà
à Zahrat el Ihsan
Un «nécessaire de travail»
trop lourd pour un enfant
balançait à son bras
comme un boulet de Malheur
Autant de brosses et de cirages
«de toutes les couleurs»
qui feraient briller vos chaussures
«comme des soleils…» dit-il.
D'un regard expert
mais sans se faire trop d'illusions
Ali scruta mes baskets
de toile blanche
Il jouait au grand assurément
puis je l'entendis murmurer
comme dans un sanglot rentré
«Idlib… Idlib*…Baba… Baba…»
L'horreur de la guerre
traversa ses yeux verts
Idlib, la ville de son enfance
devenue cimetière géant
* Idlib est une ville de Syrie qui a été particulièrement meurtrie par l'armée de Bachar el Assad. Comme
beaucoup d'autres enfants, Ali y vit son «baba» (papa) tué sous ses yeux.
Les victimes de la guerre en Syrie sont autant de fétus de paille emportés vers l'Inhumanité.
Qui rendra des comptes aux enfants pour leur innocence saccagée ?
photo: gf
La maman d'Alep
Entre jour et nuit
Une jeune femme appuyée
à un poteau électrique
pianotant sur son portable
Tout devait vaciller en elle
Et je crus à un malaise:
– Non, non, rassurez-vous,
j'ai seulement quitté la Syrie
La tête dans les mains
elle balbutia: «Alep very dangerous
Je suis ici chez des parents
avec mes cinq enfants
Mon mari est resté là-bas
J'y pense jour et nuit…»
Elle pleura silencieusement
dans le noir.
14:35 Écrit par Gilberte Favre dans Culture, Lettres, Monde, Politique, Solidarité, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) |
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